Le sport est une langue. Il existe des mots que l’on ne prononce que dans le peloton ou sur la cendrée, des répliques de vestiaire, des tirades de banc de touche, des silences d’escalade. Ce sont autant de langues techniques mais aussi d’argots secrets qui scellent l’appartenance de l’athlète à son monde. Mais le sport est aussi une langue qui ne se parle pas. Regardez l’athlète à la télévision, après l’effort, après la victoire, après la défaite : il parle un langage de masque fait de phrases automatiques, apprises par coeur et répétées à loisir pour cacher l’essentiel, pour garder au secret cette langue du corps qui est son vrai langage et qui est frappée d’interdit. Les jambes oui, la tête non.
Les athlètes dans leur tête brise ce silence. Les sportifs y parlent de choses simples : l’échec, le vieillissement, les limites de soi, le plaisir de l’effort, le bonheur d’un coup de vent, l’inacceptable puissance de l’autre. Ce qu’ils disent est singulier car les athlètes sont des gens singuliers ; dans un monde où personne ne veut être jugé ou pesé, ils demandent à être classés, battus, archibattus et ils demandent cela au nom d’une minute de gloire qui ne viendra le plus souvent jamais et qui, si elle vient, sera la plus terrible machine à fabriquer de l’angoisse que l’homme puisse imaginer.
Ce qu’ils ont à dire est irrémédiablement tragique et il n’y a que la drôle dérision qui puisse les faire sauter encore plus haut. C’est à ces mots-là que Gilbert Coudurier va redonner muscle et voix. Il sait ce que sport veut dire et il sera tous les sportifs à la fois, toutes les langues sur la même scène.
La balle est maintenant dans le camp de Gilbert Coudurier.
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